Même entre amis il est des fois difficile de parler sexualité. En swahili (la langue la plus parlée par les habitants de Lubumbashi) il n’y a pas plus vulgaires que les termes en rapport avec la sexualité. Il n’existe pas comme en français ou en anglais des termes neutres. À mon humble avis, c’est l’une des raisons pour lesquelles le sexe a été pendant si longtemps une question tabou.
Peut-on imaginer un père et son fils en train de discuter franchement à ce sujet en employant ces termes? Ce sont les oreilles de ce dernier qui vont siffler.
Dans le même ordre d’idées, il a souvent été difficile pour les victimes de viol et agression sexuelle de porter plainte à cause du sentiment de honte. La langue n’y est sans doute pas étrangère ceci n’engage que moi et je suis ouvert à toute discussion à ce propos).
Que font donc les gens pour en parler quand même, J’ai observé que la plupart de gens choisissent de baisser la voix (eh, oui! C’est moins gênant de se le dire en chuchotant).
Les jeunes gens quant à eux sont beaucoup plus créatifs (ce n’est pas pour rien que l’avenir leur appartient). Pour parler sexe entre eux ils usent de toutes sortes de tournures et paraboles.
En côtoyant ces jeunes Lushois, vous aurez à entendre des tournures comme « manger la banane » ou « brouter ». Ce ne sont là que deux des nombreuses expressions du genre. Et vous aurez remarqué que toutes ces expressions font un rapprochement systématique entre sexe et nourriture.
Curieusement, on retrouve les mêmes formes d’expression dans les paroles des chansons des grandes stars de la Rumba congolaise. Ainsi quand Koffi Olomidé, dans l’une de ses chansons, affirme avoir une faim de loup on devine aussitôt le message qu’il veut faire passer.
Il reste à savoir qui de Koffi Olomidé ou de la jeunesse a incité l’autre à faire usage de ces tournures. Mais là n’est pas l’objet de notre débat.
J’aimerais terminer en dégageant les avantages et les inconvénients de passer par là pour parler sexualité ( encore une fois ça n’engage que moi).
Pour ce qui est des avantages, je trouve qu’il n’y en a qu’un : le débat autour du sexe devient beaucoup plus aisé. Et c’est tant mieux.
Quant aux inconvénients je pense qu’ils se résument en ceci : la tendance à faire une relation d’équivalence entre nourriture et sexe. À quoi nous sert la nourriture si ce n’est à satisfaire nos besoins physiologiques et à nous faire plaisir? Or si l’on doit penser que le sexe vaut bien un régime de bananes, je ne donne pas cher du respect qu’on doit à son partenaire.
Par ailleurs, c’est au nom de cette équivalence entre sexe et nourriture que certains se sont mis à avoir des rapports non protégés avec des partenaires à risque. D’après eux, si l’on ne doit pas manger une banane avec sa peau, on ne doit pas non plus porter un préservatif.
En tout cas la vie, elle, ne vaut pas un régime de bananes.
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