Guy Muyembe

Un Lushois chez les Abidjanais (sixième partie)

© Wikimedia commons

Ce jour-là, Patrick en profita pour en savoir davantage sur la signification des paroles de certains tubes en lingala des stars de la rumba congolaise.

  • Guy, peux-tu me dire le sens du refrain de original de Fally Ipupa
  • Tiens ! les paroles sont un peu grivoises. En voici le sens : « Elle est bête Marie-Jeanne . Elle n’a pas peur de la bagarre. Voilà qu’elle est toute nue alors qu’elle se livre à la bagarre »
  • Ah ! Je n’aurais jamais parié que c’est un tout petit peu grivois

Et pour le plaisir de Patrick, on réécouta Original de Fally Ipupa et son rythme endiablé.

Puis ce fut le tour de Effrakata de Koffi Olomide.

Que des titres dansants prisés par les jeunes abidjanais branchés. Et pendant ce temps le Lushois et Vony Sherry profitaient de la connexion internet leur partagée par Patrice.

  • Il fait comment pour avoir des forfaits illimités ? se demanda le Lushois. Chez moi les forfaits illimités ça n’existe pratiquement pas.

A un moment, Patrice confia son téléphone à Vony pour qu’elle appelle ses membres de famille au pays. Visiblement, elle était très heureuse d’écouter les siens restés au pays. Il était normal pour elle qui venait pour la première fois sur le continent d’être légèrement impatiente de savoir comment allait sa famille et de rassurer quant à son voyage.

  • Je souhaiterais parler aux miens aussi
  • Sans problème, Guy

Puis il eut un moment où toute la maisonnée était tellement occupée à pianoter sur les téléphones que la conversation se tarissait. Les propos drôles et pleins d’esprit laissaient place à un silence gênant. Et c’est Maémi qui s’en émut. Obligeant le Lushois, à éteindre son téléphone :

  • Parfois ça ne jamais bon d’être blogueur et fan des réseaux sociaux

 

Lire aussi :

Un Lushois chez les Abidjanais (Cinquième partie)

 

 


Un Lushois chez les Abidjanais (Cinquième partie)

Attiéké par-ci, Aloko par-là. Sans oublier tout ce qui accompagnait comme le poisson cap, le poulet et la sauce. Les hôtes étaient bien gâtés. Du coup chacun ne levait la tête que pour placer un mot quant au gout délicieux de son plat.

« Pourquoi je ne suis pas né Ivoirien », osa dire le Lushois

Ce qui amusa les autres.

 

Quand on mange Attikié, faut être concentré sur son assiete. 😈😈😈 N’est ce pas @benjamin_yobouet ? #CIV

Une publication partagée par Guy Muyembe (@guymuyembe) le

Par moment, Patrice prenait la parole pour dire un mot au sujet d’un des aliments.

« Attiéké est une semoule à base de manioc* qui constitue la denrée alimentaire la plus consommée à Abidjan. C’est vers le début de la journée que la population s’en va vers les points d’approvisionnement pour s’en procurer. On peut en manger aussi bien le matin, à midi que le soir. »

« Tiens ! » s’exclama le Lushois en pensant à son Bukari qui se mange rarement dans la matinée.

 

Bref, ils mangèrent bien ce jour-là. Un de ces repas où on découvre la culture d’un pays et par là même l’hospitalité de son peuple.

« Ah ! La Côte d’Ivoire ! Quel pays magnifique ! »

Un sourire complice de Maemi Ndri vint appuyer le remarque d’un homme séduit par la beauté de l’art de vie à l’ivoirienne.

Tout de suite après, le côté geek s’empara de tout le monde excepté Patrick. Smartphone en main nul ne voulait rater ce qui se disait à l’instant sur les réseaux sociaux. Et Vony désirait ardemment passer un coup de fil pour communiquer avec les siens restés à Madagascar.

« Guy, je suis amoureux de la musique congolaise », souffla Patrick.


Un Lushois chez les Abidjanais (quatrième partie)

A première vue, le domicile de Patrice Koffi était accueillant. Passé le seuil, les deux hôtes ne furent pas déçus. C’était bel et bien un charmant studio assez bien équipé. Et surtout, les deux occupants qu’on y trouva étaient volontiers souriants. D’abord, Maemi Ndri qui faisait office de « maîtresse du lieu » :

  • Ce doit être elle la fiancée de Patrice, songea le Lushois

Puis, Patrick qui était le grand ami du maître de maison.

Passées les présentations, on pouvait donc engager la conversation. Et c’est Maemi Ndri qui prit l’initiative :

  • Akwaba ! Quelles nouvelles ?

Mais les deux invités ne répondirent pas.

  • Chez nous à Abidjan, intervint Patrice, quand on demande quelles nouvelles c’est qu’on veut savoir comment vous allez et comment se porte votre pays.

Précisions qu’il aurait fallu apporter avant que Vony puis l’autre visiteur ne se mette à narrer comment était la vie au bled et ce qu’elle en pensait.

  • La RDCongo, mon pays, ne se porte pas mieux que la Côte d’Ivoire, lâcha celui qui venait tout droit du pays de Lumumba

Toutes fois, ils comprirent vite que l’ambiance risquait de devenir morose si l’on se mettait à disserter sur la politique et sur ce qui ne marchait pas ici et là.

« Pourquoi ne pas célébrer cet instant avec ce vin ? »

  • Youpi !

Une trentaine de minutes plus tard, les garçons sirotaient encore le bon cru quand les filles allèrent faire «un tour » à la cuisine. C’est Vony qui s’était proposé d’accompagner Maemi. On assistait là au début d’une grande amitié entre les deux jeunes femmes.

Dans l’espoir de pouvoir bientôt manger d’authentiques plats ivoiriens, le Lushois se frottait déjà les mains attendant qu’elles reviennent vite.


Un Lushois chez les Abidjanais (Troisième partie)

A leur arrivée à l’hôtel, ils avaient déjà un programme bien tracé pour la soirée qui arrivait : se rendre dans le quartier populaire de Yopougon pour manger des plats locaux et découvrir l’art de vivre à l’ivoirienne. Il ne fallait surtout pas « perdre du temps » car les jours à venir risquaient d’être trop chargés et trop éreintants.

En tout cas la Malgache Vony Chery brulait d’envie de découvrir à quoi ressemblait la faune africaine :

« Je désire ardemment me rendre au Zoo d’Abidjan. Pour ma première visite sur le continent je souhaite voir des animaux comme l’éléphant et le lion ».

  • Chez toi à Madagascar il n’en existe pas ? interrogea Patrice
  • L’unique espèce emblématique de notre faune est le lémurien

Le Lushois remarqua que Patrice Koffi cherchait à savoir à quoi correspond vraiment un lémurien. Mais il était temps de sortir…

C’est ainsi qu’ils quittèrent l’hôtel aux alentours de 16 heures, heure d’Abidjan.

  • Il nous faut un taxi pour nous rendre à Yopougon, dit Patrice
  • Justement voici un taxi
  • Oui, mais ce n’est pas ce taxi là qu’on doit prendre. Là tu as affaire à un wôrô-wôrô*. Il ne peut effectuer les courses intercommunales.

Voilà une bien belle découverte pour un Lushois qui vient du pays où tout type de moyen de transport a le droit de se rendre n’importe où.

« Je sens que je vais m’éclater dans cette ville », songea-t-il.

Un trajet en voiture plus tard, ils atteignirent la très populaire Yopougon. Le temps de saisir la différence en termes de style architectural entre Cocody d’où ils venaient et la plus grande commune d’Abidjan.

  • La culture de cette ville tire ses racines ici, affirma fièrement Patrice. C’est ici que sont nés certaines des plus grandes stars du coupé-décalé par exemple.
  • Whaou ! s’exclama le Lushois, visiblement excité de savoir qu’il se trouvait sur un haut-lieu de l’histoire d’un genre musical qu’il avait appris à apprécier.

 

(*) : genre de taxi communal


Un Lushois chez les Abidjanais (deuxième partie)

Crédit photo : wikimédias commons

Au sortir du hall, les premiers mots qu’il eut à l’adresse de Patrice furent : « vous avez un très bel aéroport, mon ami ».

  • Ah ! ouais, fit Patrice pas assez convaincu.

Pour en arriver à cette conclusion, le Lushois faisait la comparaison avec les seuls aéroports internationaux de son pays (Kinshasa et Lubumbashi) : aucune connexion au WIFI, pas assez de magasins de souvenir, une tracasserie administrative hors du commun…

« Pour venir chez moi, il faut d’abord le vouloir », songea-t-il.

C’est alors que vint le moment de faire connaissance avec une dame aux traits d’asiatique, souriante volontiers :

  • Bonjour, je m’appelle Vony Cherry. Je viens de Madagascar.
  • Ça alors ! et moi qui vous prenez pour une chinoise !
  • Ah oui ! ben, il faut dire que mes ancêtres viennent du sous-continent chinois.
  • Je m’appelle Guy Muyembe et voici mon partenaire Patrice Koffi.

Le Lushois apprit quelques instants plus tard que la Malgache venait à Abidjan dans le même cadre que lui : participer à l’Africa Web Festival, le plus grand événement du genre organisé sur le continent. Raison pour laquelle ils montaient à bord du même taxi loué par l’hôtel à leur profit.

  • Il y a le wifi à bord de ce taxi, fit le chauffeur, sentez-vous à l’aise !
  • Tiens ! J’avais justement envie de lire mes mails et faire un tour sur Facebook.

Intérieurement, le Lushois était émerveillé. Lui, qui était accro à internet, se voyait pour la première fois offrir du wifi gratuit à bord d’un transport en commun.

« Chez moi le taxi de ce genre, ça n’existe pas ».

Pendant ce temps, le véhicule déboulait sur l’avenue Valery Giscard D’estaind.

« Dans ce pays les rues portent encore les noms des chefs d’Etat de l’ancien pays colonisateur. Impensable chez moi », songea-t-il.

Vers les années 70, toutes les rues de la République démocratique du Congo avaient été tout simplement débaptisées. Aucune d’elle ne devait porter le nom d’un ressortissant de la Belgique, ancien pays colonisateur. C’était la mise en pratique de ce qui fut appelé « la Zaïrianisation ».

Après quelques minutes de navigation sur la toile, il leva les yeux de l’écran de son smartphone.

  • Je pense que je n’ai plus envie de naviguer, dit-il à l’adresse de tout le monde, je désire voir Abidjan
  • C’est vrai, s’exclama Vony, moi non plus je ne peux pas surfer et voir en même temps Abidjan !

Tout au long du trajet, les trois passagers prirent le temps de briser la glace et de trouver des centres d’intérêt commun : nourriture, vin, danse et internet. Ils avaient des personnalités différentes mais assez complémentaires pour les rapprocher. Vony, souriante et dotée d’un sens de la communication élevé. Patrice, calme mais bon vivant. Guy, timide mais assez curieux pour avoir des atomes crochus avec toute personne dotée d’une bonne humeur. Cela promettait des virées nocturnes et diurnes mémorables.