Guy Muyembe

L’Euro: plus sexy que la CAN

À en juger par l’engouement qu’a suscité l’Euro de football sur le continent noir, il y a lieu de conclure que cette compétition a battu un record de popularité.

Un indice m’a permis d’en arriver à cette conclusion : nos dames ont été si nombreuses à se passionner pour des rencontres comme Espagne-Italie ou Allemagne-France.

capture d’écran d'un post facebook de Dieretou
capture d’écran d’un post facebook de Dieretou

C’est le cas de la mondoblogueuse Diérétou Diallo qui ne s’est jamais empêché de témoigner sa flamme pour les « bleus » de Didier Deschamps.

capture d'écran tendresse dave
capture d’écran d’une conversation avec Tendresse

Tandis que la mondoblogueuse « à la retraire » Tendresse Dave en a profité pour apprendre les règles du foot qu’elle trouvait floues auparavant.

capture d'écran lucrece
Capture d’écran d’un post facebook de Lucrece

Et si Lucrece Gandigbe, la geek béninoise, a poussé un ras-le-bol face à cette débauche de passion footballistique, on peut se douter qu’elle a d’une manière ou d’une autre participé à la renommée de la chose.

Mais, soyons en sûr, l’Euro est plus glamour et moins ringarde que sa cousine la CAN (Coupe d’Afrique des nations). J’ai peut-être tort de faire référence aux femmes pour valider mes hypothèses. Mais sachant que les 2 compétitions drainent des millions de fans, le nombre de femmes qui se passionnent pour l’une ou l’autre suffirait à les départager.

En tout cas je pense qu’en papotant avec une de ces dames on aurait « tort » de lui demander qui elle aime entre les éperviers(1) du Togo et les Chipolopolo(2) de la Zambie (avec tous mes respects pour les supporters togolais dont Roger Mawulolo et Obed Belizem . On ne devrait pas non plus lui demander si elle est fan d’un joueur des Intamba(3) du Burundi (mes amitiés à Alain Horutanga et Armel Gilbert Bukeyeneza  ou des écureils(4) du Bénin (salutations à Atman Bouba . Aussi il est mal venu de lui raconter l’épopée des éléphants(5) de Côte d’Ivoire en 2015 (Benjamin Yobouet, on est où là ?) ou celle des Lions indomptables(6) du Cameroun en 2000 et 2002 (j’espère que Deudjui Ecclesiaste et Fotso Fonkam  ne m’en voudront pas).

En revanche on peut lui parler des passements de jambes de Cristiano Ronaldo ou des coupes de cheveux de Paul Pogba.

(1), (2),(3),(4),(5),(6) : surnoms respectifs des équipes nationales du Togo, de la Zambie, du Burundi, du Bénin, de la Côte d’Ivoire et du Cameroun.


L’amour d’une mère

Rien n’est comparable à l’amour qu’une mère peut attacher à son enfant. Un petit incident dont j’ai été témoin à l’aéroport international de la capitale kenyanne m’a permis de le comprendre.

Ce vendredi 24 juin, je faisais escale à Naïrobi en attendant qu’un avion me ramène à Lubumbashi. L’envie me prit de faire quelques courses au sein de l’immense aéroport JKIA (Jomo Kenyata International Airport). Des boutiques de prêt-à-porter aux cafés branchés en passant par les guichets des compagnies aériennes. C’est une plate-forme aéroportuaire qui grouille en permanence. Une tour de Babel où plusieurs parlers se côtoient.

Puis il me vint  l’envie de faire un tour aux sanitaires. Et je n’eus pas besoin de pousser la porte qui ouvre sur les toilettes pour homme. Curieusement une femme se tenait dans l’embrasure et jetais un regard vers un cabinet de toilette. À côté d’elle un agent de l’autorité aéroportuaire grondait dans un anglais typiquement kenyan et menaçait de lui faire passer un mauvais quart d’heure.

Le plus intéressant dans cette affaire était le fait qu’elle ne semblait pas prendre au sérieux ces menaces.

Ayant compris qu’elle était francophone, je décidais de lui prier gentiment de quitter cet endroit où elle n’avait rien à faire. Mais j’ouvrais à peine la bouche quand un enfant d’à peine 10 ans sortit du cabinet de toilette. Et aussitôt cette dame le saisit par le bras et ils partirent.

Il ne restait plus que moi, un agent d’entretien et l’agent de l’autorité aéroportuaire. Et ce dernier m’interrogea :

  • Es-tu swahiliphone, mon grand ?
  • Oui, lui répondis-je.

Sans doute voulait-il s’assurer si j’ai compris qu’il venait d’insulter grossièrement cette dame en langue swahili.

Ce qui s’est passé par la suite n’a aucune importance.

La leçon que j’ai retenue de ce petit incident est que l’amour d’une mère peut l’amener à briser les conventions qui veulent qu’elle ne doit pas se rendre dans un local réservé aux hommes. En l’occurrence on avait affaire à une mère qui voulait s’assurer que son fils ne serait ni enlevé ni agressé. Elle était disposée à affronter les reproches des hommes et même d’autres femmes. Elle avait besoin d’avoir le cœur net à propos d’un être cher.

  • Il n’y a que moi qui peux décrire la souffrance que j’ai endurée en donnant naissance à cet enfant, aurait-elle répondu.

 


Faut-il masculiniser la cuisine africaine ?

Mon collègue mondoblogueur Émile Béla nous a parlé dans un excellent article teinté d’humour des difficultés qu’il rencontre à créer un climat de parfaite entente entre lui et sa cuisine. Interpellé, j’ai aussitôt pensé à tous ces jeunes gens pour qui cuisiner est un véritable casse-tête.

L’histoire d’Émile est aussi celle de cet étudiant qui, du jour au lendemain, se retrouve à des milliers de kilomètres de chez lui ; celle de ce trentenaire, célibataire de son état, qui vit seul et doit se débrouiller pour goûter à un plat chaud et « fait maison ».

Car en Afrique, dans la plupart des cas, la cuisine est avant tout une affaire de femmes. Dès l’enfance on a apprend à considérer que la place du garçon n’est pas aux fourneaux. Une règle non écrite voudrait même que la cuisine soit l’unique pièce de la maison où la mère et ses filles sont souveraines. Ni le père ni les garçons ne peuvent y entrer allègrement, surtout au moment où l’on prépare le repas.

Dans les conversations entre amis, un homme peut se prévaloir de toutes les qualités mais il ne se risquerait pas à parler de ses compétences en matière culinaire. S’il est célibataire, il serait accusé de ne pas vouloir convoler de sitôt justement parce qu’il est capable de cuisiner pour lui-même. Au cas où il est un homme marié, on y verrait la preuve d’une domination de la part de son épouse (puisqu’il serait obligé de cuire ses propres repas).

L’objectif de cet article n’est pas d’émettre un jugement sur la considération que les sociétés africaines ont de l’art de préparer les mets… Je tiens juste à faire ressortir le problème que cela pose, alors que de plus en plus de jeunes gens vont vivre loin de leurs contrées d’origine pour diverses raisons et que de plus en plus d’hommes se marient à trente ans passés. Par ailleurs on ne peut pas compter sur la restauration pour pallier ce problème dans une Afrique où la culture d’aller manger hors de la maison n’est pas très répandue.

Faut-il attendre que l’on soit en couple pour enfin manger ce qui a été bien préparer ? Je dirais non. Car la vie qu’on mène avant le mariage est au moins aussi importante que celle qu’on mène après. Par conséquent il s’avère nécessaire que tout homme apprenne les rudiments de la cuisine, juste au cas où.

Bref, la pièce réservée à la cuisson de nos aliments ne doit plus être interdite à toute présence masculine. Pour commencer, on pourrait confier aux garçons les tâches préliminaires comme nettoyer les assiettes ou approvisionner la maison en eau. Plus tard, on pourra leur demander d’assurer le service.

C’est à cette occasion qu’un jeune homme entreverra sa mère ou sa sœur découper un poisson, éplucher un légume ou  faire l’omelette. Ce serait là un début d’apprentissage de l’art culinaire, l’apprentissage par l’observation en somme. Ensuite, « l’élève sera invité à participer à des petits exercices pratiques ». Et je fais le pari qu’après quelques mois le résultat sera édifiant.

Je suis parfaitement conscient des difficultés qui résulteraient d’un tel changement et de l’impact sur l’équilibre de la famille au sens où on l’entend en Afrique. Ma préoccupation n’est pas celle de voir dans toutes les familles des garçons qui sachent très bien comment préparer le Ndolé, le Bukari ou le couscous au point de prendre la place de leurs sœurs.

Nous devont juste considérer ce que nous avons à y gagner :

  •  Le garçon sera en mesure de se prendre en charge s’il doit partir vivre seul loin du domicile familial.
  •  Toutes les tâches faites par son (ses) frère(s) constituent du boulot en moins pour la fille à qui on demande non seulement d’apprendre les obligations liées à son futur rôle d’épouse mais aussi d’être bonne à l’école. Tandis que les autres font la vaisselle, elle pourra répéter ses leçons. Plus d’égalité entre filles et garçons en somme.

Tout le monde a donc à gagner dans le fait de « masculiniser » notre savoureuse cuisine africaine.

 

 

 


L’avenir de l’alimentation, clé de la survie de l’humanité

S’il existe un sujet qui nous unit et nous divise à la fois, c’est bien celui de l’alimentation. On est tous d’accord qu’il faut se nourrir pour vivre. Mais tout le monde n’est pas d’accord à propos de ce qu’on mange (comment l’obtenir, comment le préparer, quand le manger,…).

«L’avenir de l’alimentation» est le thème d’un événement ayant réuni un panel d’experts au siège de la Banque mondiale en avril dernier.

L’alimentation humaine en chiffre

On estime que 800 millions d’individus dans le monde sont mal-nourris ou sous-nourris. La majorité d’entre eux vivent dans les pays en voie de développement et particulièrement en Afrique. Ils sont 2 milliards à avoir une déficience en micronutriments, minéraux et vitamines dont ils ont besoin.

crédit photo live.banquemondiale.org
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Autrement accablant, c’est le taux des gaspillages alimentaires dans le monde. On pense que 1/3 des produits alimentaires finis directement dans les poubelles et les décharges (au moment où des millions de gens dorment des fois le ventre vide !). Ce qui est source de production d’une partie des gaz à effet de serre. Et à ce propos, 30 % des émissions de gaz à effet de serre sont dues à la production des produits alimentaires.

Le système alimentaire mis en cause

Sam Kass, analyste alimentaire et chef cuisinier du couple Obama, a eu ces mots : «le système alimentaire actuel est le plus inefficace de tous les temps».

De nos jours on a tendance à négliger la nutrition dans l’activité de production des produits alimentaires. Aussi simple que cela puisse paraître, les aliments ont pour fonction première de servir à la nourriture humaine. «L’agriculture sert à produire des produits alimentaires et ceux-ci servent à se nourrir pour vivre», Dixit Bonnie McClafferty, directrice de l’Alliance mondiale pour l’amélioration de la nutrition (GAIN).

crédit photo live.mondiale.org
crédit photo live.mondiale.org

Quelles réponses ?

Il est d’autant plus nécessaire d’apporter une solution au problème ci-haut évoqué que l’avenir de l’humanité en dépend. Non seulement nous avons besoin des aliments pour vivre mais aussi il est indispensable de changer notre système alimentaire pour réduire le taux d’émissions des gaz à effet de serre. D’après l’expert Johan Rockström, confondateur du Stockholm Resilience center, la mise en œuvre de l’accord de Paris demande que l’on puisse agir au moins au niveau de l’agriculture.

Par ailleurs les gaspillages de nourritures induisent des coûts financiers énormes.

Il convient d’agir au niveau de toute la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Les énormes gaspillages ont lieu surtout entre les centres de production et les centres de consommation. Exemple de la tomate produite dans le nord du Nigéria et qui doit être consommée dans le sud. Ce sont des tonnes de cette denrée qui pourrissent sur les routes.

Aussi il faut éviter les erreurs commises jusque-là : on s’est plus préoccupé de la productivité sans tenir compte du reste.

Cependant les experts ont tous été d’avis qu’il n’y a pas de solution «clé en main». On doit prendre en compte tous les facteurs locaux et apporter un remède particulier. Encore faut-il rendre disponible les financements nécessaires

 

 

 

 

 

 


Malheur à toi Lubumbashi

Crédit photo : wikimedia commons

Malheur à toi la ville cuprifère.
Toi qui t’enorgueillit d’être la capitale économique du Congo-Kinshasa.
De tout temps les néoconquistadors ont cherché à parader sur la place Moïse Tshombe(1) pour se persuader d’avoir la main sur le tiroir-caisse (mines, taxes, forêt, patrimoine de l’État…)

En effet on ne peut diriger ce pays continent sans posséder les fabuleuses richesses minières de Fungurume, Kolwezi et les contrées alentour ; sans contrôler la grande porte qu’est le poste douanier de Kasumbalesa.
À toi seule, Lubumbashi, tu représentes le symbole de cette opulence à l’état brute.

Je marchais sur le trottoir d’une rue animée de Kinshasa, le siège des institutions de la république. Une alerte Facebook m’obligea  à sortir mon smartphone de la poche.
J’apprenais alors que la fierté avait fait place à la psychose : le prix d’un sac de farine de maïs, denrée la plus consommée, était passé du simple au double. En un clin d’oeil les prévisions budgétaires des ménages lushois étaient chamboulées.
Je n’eus pas besoin de chercher une explication à cette crise économico-sociale. Car il est de notoriété publique que ma ville dépend à 90 % des importations de farine zambienne. Un seul jour de fermeture de la frontière et c’est la valse des étiquettes chez les vendeurs de farine.

Alors j’eu envie de crier : «malheur à toi qui a hypothéqué ton indépendance alimentaire. »

(1): Grand-place de Lubumbashi