Guy Muyembe

Un Lushois chez les Abidjanais (première partie)

Crédit photo: Wikimédias commons

 

C’est aux alentours de 11 heures que l’Airbus d’ Air Côte d’Ivoire atteint l’espace aérien éburnéen. Tout content de pouvoir enfin visiter le pays de Houphouët Boigny, le Lushois attacha sa ceinture, en vue de l’atterrissage.

Soudain, le commandant de bord informa les passagers que l’avion n’allait pas atterrir tout de suite. « L’aéroport est fermé car le président s’apprête à voyager. Nous allons devoir survoler Abidjan une trentaine de minutes. »

Quoi ? Une trentaine de minutes c’est tout de même trop, voyons !

Puis, un quart d’heure plus tard, le commandant de bord revint à la charge :

« Mesdames et messieurs, l’avion présidentiel n’a toujours pas décollé. Si rien ne se passe d’ici quelques minutes, nous serons obligés d’aller nous poser à Accra, au Ghana. »

Ceci provoqua un tollé général. Les réactions allèrent du simple « Ô mon Dieu ! C’est incroyable ! » au très violent « Pays de m*rde ! Il se prend pour qui ce président ? ».

Le Lushois pensa à son ami Patrice Koffi, qui l’attendait certainement à la sortie de l’aéroport.

-Je n’ai même pas le moyen de lui dire que je risque de ne pas le voir aujourd’hui, songea-t-il.

A travers le hublot, il vit une savanne parsemée çà et là de quelques constructions, signe que l’activité humaine destructrice et économiquement orientée était toute proche.  Mais il était difficile de se résoudre à regarder le même paysage de temps en temps. Il sentit monte en lui l’impatience et un début de sauts d’humeur.

Il eut plus de peur que de mal car l’avion fut finalement autorisé à atterrir à Abidjan, une vingtaine de minutes plus tard. Voici le voyageur tout content de poser ses pieds sur les pavés de la ville du « coupé-décalé ». Il eut déjà très envie de profiter au maximum de son temps libre pendant son séjour d’une semaine.

Il remarqua avec plaisir qu’un homme se tenait dans le hall avec une pancarte portant son nom. « Sans doute un employé de l’hôtel ».

Tandis qu’il allait vers cette pancarte, il fut interpellé par une voix plutôt familière. Se retournant vers la gauche, il aperçut Patrice Koffi.

« Whaou ! Enfin je le vois ! »

Le temps que le taxi arrive, il ne pu résister au besoin de prendre place dans un fast-food pour pour bavarder avec cet ami, qu’il connaissait uniquement via les réseaux sociaux et le téléphone.

«Tu es plutôt du Congo-Brazza ou de l’autre Congo ? »

-Je suis ressortissant de l’autre Congo dont la capitale est Kinshasa.

« Vous utilisez quelle monnaie ? »

-Notre monnaie est le Franc congolais

« Ah ! Il n’y a pas de Franc CFA là-bas, donc ! Tu sais, le Congo et le Cameroun sont les deux pays africains que j’aimerais visiter bientôt.»

Le taxi étant arrivé, les deux jeunes gens furent obligés de quitter le lieu de leurs retrouvailles.

« Bienvenu à Abidjan, l’ami »


Eseka: les réseaux sociaux sont ils à blâmer?

Le vendredi 21 octobre a été surnommé « vendredi noir » par les camerounais à cause du drame d’Eseka. Il s’est dégagé une certaine unanimité quand il s’est agi de déplorer ce drame. A ma connaissance personne ne s’est publiquement réjouit de ce que des centaines de pauvres gens ont perdus leurs vies.
La controverse est née par rapport à la responsabilité des pouvoirs publics et ceux qui les incarnent dans la survenue de l’accident. Les réseaux sociaux (unique moyen d’expression libre dans un pays soumis à la dictature) s’en sont mêlés et ça s’est très vite emballer. Les uns ont vu dans cette dérive des utilisateurs de ces nouvelles technologies la preuve qu’elles sont juste bon à encourager la sédition. D’autres ont pensé qu’on pouvait mieux faire derrière son écran de smartphone ou d’ordinateur. La camerounaise Anne-Marie Befoune a répertorié une série de tweets « pourris » et en a exprimé son indignation.
Je ne suis pas de ceux qui blâmeraient les réseaux sociaux en dépit de tout ce qui y a été fait (folles rumeurs, injures publiques, blagues douteuses…). Ce, pour trois raisons.

Le cas du Cameroun n’est pas sans précédant
Lors de la série d’attentats ayant touché la France depuis la fin de l’année 2015, des folles rumeurs ont toujours circulé sur les réseaux sociaux. Des publications racistes y ont été postées. Des tweets appelant au meurtre ont été publiés. On en dirait autant d’autres pays qui ont vécu des événements similaires.
Non, le Cameroun n’est pas le premier à faire face à l’emballement de ses twittos.

Seul exutoire des frustrations des citoyens


Si j’étais dirigeant camerounais, je me serais exclamé : « heureusement les réseaux sociaux sont là ! »
Ces moyens de communication permettent aux citoyens de crier leur colère sans descendre dans la rue et sans casser. Les frustrations endurées par les camerounais (à l’instar des autres peuples d’Afrique) sont nombreuses et on ne doit pas s’attendre que ceux-ci restent indéfiniment sans réaction.

L’incurie des autorités


On devrait s’interroger sur la réponse des autorités face à la circulation des rumeurs et autres trucs toxiques sur Twitter, Facebook et Whatsapp. Il est de notoriété publique que ceux qui nous représentent n’ont jamais été les champions de la communication tous azimuts. Et quand un événement du genre de celui d’Eseka survient, leur première reflexe est celui de démentir ou alors de minorer son importance. On ne doit pas s’attendre que tel utilisateur de Twitter lambda se garde de relayer telle fausse information alors que du côté des pouvoirs publics c’est silence radio.

Il y a tellement à dire par rapport à ce qui s’est passé ce jour-là au pays de Paul Biya. Je ne m’étalerais pas sur le fameux communiqué (ou décret) de celui-ci signé à Yaoundé au moment où il résidait en Suisse depuis des mois.
Je termine par cette question : les réseaux sociaux ont-ils signé un accord avec la société camerounaise stipulant que rumeurs et injures y sont bannies ?


Et je devenais un chrétien tolérant (*)

Crédit photo: pixabay.com

Je me souviens de l’époque où je croyais profondément qu’en dehors de ma religion, toute autre idéologie était absurde et devait être combattue. J’en voulais à ceux qui ne partageaient pas ma foi. A leur tête il y avait les pratiquants des religions « arriérées », léguées par nos ancêtres. Je les classais dans la catégorie « sorciers à éliminer au plus vite ». Il y avait les cultes d’origine orientale comme le bouddhisme et l’hindouisme. Je les classais dans la catégorie « dangereux magiciens dont il faut se méfier ». Et puis, dans le « hors catégorie » j’avais mis l’Islam. J’étais habité par une haine mêlée de crainte envers la communauté islamique.

Une chose est sûre : il y avait très peu de personnes pratiquant l’une des religions ci-haut citées dans la ville où je vivais. Je devais le peu de connaissance que j’en avais aux histoires que me racontaient mes amis, parents et autres proches.

A l’école, Il y eut l’année où un chapitre du cours d’Histoire fut consacré à l’Islam et à son fondateur. Ce fut une grande découverte pour moi à l’époque. Et comme j’avais foi en mes professeurs, je n’ai jamais osé mettre en doute cette leçon. Pour autant je n’étais pas disposé à cesser d’être méfiant envers les musulmans.

Comment suis-je donc devenu le chrétien tolérant que je suis ? Comment se fait-il que, aujourd’hui, je sois si bienveillant envers les gens qui ne partagent pas ma foi ?

L’année du bac (En RDC, ça s’appelle Examen d’Etat), un condisciple vint me voir : « je pense qu’on devrait former un groupe d’études pour mieux préparer les épreuves ensemble». Il se trouve qu’il était justement musulman. Il était si bienveillant et surtout si ouvert d’esprit (je n’exagère rien puisque je le connaissais depuis 4 ans) que j’acceptai.

  • Pourquoi pas ? Tout le monde a à y gagner en se mettant ensemble pour préparer les épreuves du bac.

Depuis lors, nous sommes devenus amis…

Et quand un soir je l’ai vu prier comme moi afin d’exorciser la peur de l’échec, mon regard à propos de l’Islam changea. Loin de considérer cette différence purement artificielle inhérente à la religion, je commençais à voir en lui un être humain doté de raison et des émotions comme moi.

(*): histoire inspirée de ma propre expérience

 


Quand nos présidents tweetent

On connaît leur attrait pour les belles voitures et les costumes de marque. Depuis quelques temps, nombre d’entre eux se « passionnent » pour le web 2.0. Page Facebook ou compte Twitter, nos chefs ne veulent pas être à la marge de cette révolution des outils de communication pensés et promus depuis la Silicon Valley.

A priori, il n’y a pas de raison de croire que l’utilisation qu’ils en font serait différente de celle de leurs concitoyens : les réseaux sociaux servent à communiquer directement avec un certain nombre de gens sans intermédiaire. D’où certaines libertés qu’on peut s’autoriser, comme l’absence d’un ton solennel ou le rejet du langage châtié propre aux classes supérieures. Mais à y regarder de près, ils se prennent trop au sérieux quand ils publient du contenus sur leurs pages. Cela se traduit par l’emploi systématique du pronom « Je » (ou du « I » chez les anglophones). On a lors affaire à des tweets du genre : « J’ai signé un décret… », « J’ai accompagné ma femme au marché… », ou encore « Je viens de boire un café ».

Et si nos chefs d’Etat d’Afrique s’appropriaient cette liberté qui fait la particularité du net ? Et si le temps de pianoter sur les écrans de leurs smartphones hors de prix ils oubliaient qu’ils sont aux commandex de vastes étendues de terre ? Sachant que la majorité de personnes censées les suivre sur Twitter ou censées aimer leurs pages Facebook sont des jeunes gens de moins de 25 ans, j’ai du mal à croire qu’ils y trouvent leur compte. Franchement, entre une publication totalement originale d’un sportif et celle trop solennelle d’un président africain, le jeune homme branché d’un quartier d’Abidjan se passionnerait pour ce que fait le premier. Ça l’aide à oublier sa galère quotidienne et c’est déjà ça.

Je ne suis pas en train de dire que leurs excellences devraient se comporter telles des stars d’Hollywood ou des champions de football européens. Je voudrais plutôt qu’ils arrêtent de considérer leur présence sur les réseaux sociaux comme un moyen de prolonger la propagande des médias d’Etat (nous en sommes déjà lassé par ailleurs).


Donald trompe

credit photo: nwherald.com

Voici donc « Oncle Donald » lancé comme une balle de football dans la course à la Maison Blanche. Avec un peu de chance, il pourrait devenir « l’homme le plus fort du monde » – on peut toujours discuter de ce concept. Que fait l’homme le plus fort du monde tandis que le Moyen-Orient est à feu et à sang ? Pourquoi n’est-il pas capable de nous débarrasser de chefs d’Etat voyous tels que Robert Mugabe et Yaya Djammey ?

Je disais donc que la personne qu’on appelle Donald Trump alias « Monsieur Trompe » est à une marche du bureau ovale, la résidence des présidents américains. Je veux bien croire ces chers devins des temps modernes (les instituts des sondages, pour ne pas les nommer) quand ils prédisent sa défaite face à Hillary Clinton (improprement qualifiée de dame de fer par quelques médias en perte d’influence). Ils étaient toujours aussi sceptiques quand le milliardaire lançait sa campagne pour l’investiture républicaine. Que de conclusions faites sur base des calculs de probabilité : « le phénomène Trump est un tube d’été », « il est trop borné pour attirer le suffrage de la majorité des sympathisants du parti conservateur »… bref, des déclarations en veux-tu en voilà.

Capture d'ecran
capture d’écran Facebook

Quoi qu’il arrive au mois de novembre prochain, son investiture restera dans les annales de l’histoire politique des Etats-Unis (au même titre que l’investiture de Barack Obama par le parti démocrate), comme un pied de nez à l’establishment d’un parti qu’aurait voulu s’accaparer la dynastie des Bush.

Il ne me reste plus qu’à souhaiter bonne chance au candidat républicain. Car je ne suis pas de ceux qui poussent la mauvaise foi jusqu’à souhaiter publiquement la défaite d’une personne qui a remporté haut la main une série d’élections démocratiques et transparentes. Au moins on ne l’accuserait pas d’avoir bourré des urnes et mis en place une commission électorale toute acquise à lui (ce sont les chefs d’Etat de l’Union africaine qui vont être contents de cette dernière remarque).

J’ai cependant quelques réserves par rapport à la capacité du candidat à assumer  ses dires. Oui Donald trompe car il prétend mettre fin à l’immigration vers les Etats-Unis alors que ce pays s’est bâti sur base de l’immigration. Oui Donald trompe car il veut faire croire qu’il n’a pas besoin des voix des minorités raciales sachant que depuis quelques années on ne peut remporter la présidentielle américaine sans les voix de ces minorités. Oui Donald trompe car il argue qu’on peut résoudre le problème de sécurité au sein de la société américaine sans régler la question de la détention d’armes de tous calibres par des millions d’individus.

Comme pour paraphraser madame Clinton, je dirais : « l’Amérique mérite mieux que ça ».