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Redonnez-nous le pouvoir de nous nourrir

Chers experts,
De nos parents nous retenons un mode de vie orienté vers la satisfaction de besoins primaires. C’était d’autant plus important à leurs yeux que un esclave était privé de tous les droits sauf celui de boire, de manger et de faire l’amour.
Au passif d’une telle conception de la vie il a été inscrit l’absence de modernité et de confort. En effet cela n’arrangeait personne que l’homme continue à faire ce que la machine était désormais capable d’accomplir. Cela n’arrangeait non plus personne que des populations entières soient privées d’un certain bien-être matériel.
Vous avez fait comprendre à nos parents qu’ils avaient tout faux de se priver de ce genre « d’avancées » culturelles et technologiques. Le moins qu’ils avaient à faire fut de renoncer à tout ou partie de ce qui avait forgé leurs sociétés depuis la nuit des temps. En clair il fallait dépasser le stade de la satisfaction de tous les besoins alimentaires par tous. Tout le monde n’avait pas à être agriculteur, pêcheur ou chasseur.

pixabay.com
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La société devait être partagée en deux: les pourvoyeurs des nourritures et les autres. Entre eux on a divers intermédiaires organisés en corps des métiers (négociants, mareyeurs, courtiers…). C’est à ces derniers que revenait le droit de fixer les règles du jeu des échanges des produits alimentaires. Des règles du jeu destinées à atteindre des objectifs mercantilistes.
Puis il y a eu l’époque où, au nom des instruments de mesure de performances économiques comme la productivité, vous avez encouragé les grandes exploitations au détriment de petites exploitations tenues par les paysans. La pêche industrielle au détriment de la pêche artisanale.
En tant que bien économique la nourriture ne devait pas échapper à la loi de l’offre et de la demande. Pas même à la spéculation sur le marché à terme.
Et en tant que tel la nourriture devait faire l’objet d’un échange plus globalisé (du poulet brésilien vendu en Afrique, du fromage français vendu en chine…). La condition en était que l’alimentation des gens devait être standardisée: tout le monde devait manger à peu près la même chose. Les interdits alimentaires devaient soit être bannis soit être contournés à grands renforts de publicité et de forums divers et variés.

paysan massaï
paysan massaï

Aujourd’hui on est dans le « meilleur des mondes » : seule une petite minorité de gens est chargée de nourrir toute une humanité composée de 7 milliards d’âmes. Les biens alimentaires s’échangent du Nord au sud, d’Est en Ouest et inversement. Il est même des sociétés qui ont renoncé à leur droit de produire des aliments, préférant produire des matières premières industrielles.
Ce bilan aurait pu être satisfaisant n’eut été le constat que des centaines de millions de gens sont, de nos jours, dans l’insécurité alimentaire. C’est là le grand problème. Toutes les politiques économiques en la matière que vous, experts, n’avaient eu de cesse de promouvoir  étaient censées mettre l’humanité à l’abri de ce genre de fléau.
Puisqu’il en est ainsi je vous propose de nous redonner le pouvoir de nous nourrir nous même. si nous sommes incapables d’adopter le mode de vie austère de nos parents, en revanche nous pouvons accroître notre auto-suffisance alimentaire. Cela passe notamment par la revalorisation de la paysannerie en tant qu’acteur de l’offre des biens alimentaires.
Certes nous n’êtes pas comptables de tout ce qui a été décrit ci-haut. Mais vous êtes représentants d’un système qui en est à l’origine.
Vous demander de nous redonner le pouvoir de nous nourrir revient à vous demander d’user de votre capacité à influencer les politiques des gouvernements des États.

Je dis et je vous remercie

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Auteur·e

gaylussac

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