Guy Muyembe

Au nom du ventre ( partie 3)

Connaissez-vous le point commun entre un politique Français et son homologue congolais? Tous les deux exploitent un même fond de commerce: »la promesse ». En effet, dans le monde très concurrentiel de la politique, c’est à celui qui promet le plus que revient l’honneur de brandir le trophée des champions.
Un lavement s’impose

sonde rectale-wikipedia.org
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Au début des années 90 j’étais un petit garçon poupin, insouciant, qui n’y comprenais rien à la politique. Néanmoins j’étais déjà capable de percevoir le sens du discours d’un tribun. J’ai encore en mémoire une petite phrase distillée par un leader populiste. Laquelle phrase, traduite du Swahili au Français, donne à peu près ceci: » chacun de nous a intérêt à aller faire un lavement. »
On était à la veille de la fin du long règne du vieux léopard ( surnom donné à Mobutu, NDLR.). Le climat politique était incertain. L’économie avait du plomb dans l’aile car les bailleurs de fond ne venaient plus. La crise alimentaire avait conduit les gens à se rabattre sur les aliments pour bétail.
C’est sans doute pour cette dernière raison qu’un lavement s’imposait à chacun de nous, d’après l’auteur de la petite phrase. Car l’heure était venu de faire bonne chère.
Évidemment le discours avait séduit des milliers de désespérés. On avait de fait inauguré une nouvelle façon de faire la politique à Lubumbashi et sa région: un populisme orienté vers la satisfaction du ventre.
Je puis vous assurer que les lushois se sont pliés à l’exercice mais n’ont jamais fait bonne chère. C’est dire si leur déception n’en a été que trop grande.
Ce que font les politiques d’aujourd’hui

Armoiries de la ville de Lubumbashi
Armoiries de la ville de Lubumbashi

Depuis, cette doctrine politique a fait école. Aujourd’hui nombre de leaders lushois se réclament de pères de cette école. Ils usent des mêmes discours démagogiques pour attirer les foules.
Du poids politique leur faisant néanmoins défaut ils doivent allier démagogie et clientélisme. D’où les distributions de sacs de farine et de poulets en pleine campagne électorale. On a même eu à voir des scènes rocambolesques de distribution de bonbons et de billets de banque au passage d’un cortège. Demandez-vous comment la dizaine de députés de Lubumbashi a acquis le droit d’aller siéger à l’assemblée nationale à Kinshasa( un bazar de parlé-menteurs d’après l’auteur du blog Lokolesound). Enfin…je ne veux pas les accuser de fraude électorale et de corruption, ces chers honorables parlementaires…
Par conséquent

pixabay.com
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Un leader politique Lushois vit forcement au rythme du ventre… Pas son propre, voyons!
Pour avoir du capital politique il doit sans cesse promettre du mieux pour le ventre d’un autre individus. Voilà en quoi consiste son fond de commerce.


Au nom du ventre (partie 2)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Qu’en est -il de la jeune femme mariée? De ce représentant de la classe moyenne dont embonpoint est remarquable? Et de l’homme politique aux discours prolixes? J’ai le sentiment qu’ils vivent eux aussi au rythme du ventre.
Une mission divine

pixabay.com
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L’essentiel du processus de procréation est assuré par la femme. Qui oserait dire le contraire? Il faut rémarquer que je mets de côté toutes les techniques de fécondation extra-utérine connues.
Donc le rôle de la femme est absolument essentiel pour cela. Et je vous passe tous les détails…
Comprenez pourquoi je préfère d’emblée marcher sur les œufs. Je tiens à être courtois envers la femme et ne pas verser dans la caricature.
Ce sont les réligions qui, les premières, avaient vu en la femme la source de toute vie humaine. D’où toutes les constructions sociales qui ont eu pour conséquence de lui enlever certains de ses droits.
Aujourd’hui les sociétés se sécularisent à des dégrés divers. Mais ça et là on célèbre toujours la femme donneuse des vies. Je met « vie » au pluriel parcequ’il s’agit de donner naissance à un maximum d’enfants(10,12 et pourquoi pas 15!)
Dans la société Lushoise, qui est celle que je connais le mieux, cela est patent. La jeune femme mariée (à laquelle j’ai fait référence en debut d’article) doit s’inquiéter dès l’instant où elle se rend compte qu’elle ne peut pas concevoir.Elle encoura une répudiation et, le cas échéant, une mise au ban de la société.
Une telle femme vit au rythme de son ventre. À des intervalles de temps régulier( 1 an ou 2 ans) elle doit dévoiler un gros ventre pour justifier du fait qu’elle mérite d’être l’épouse de Monsieur son mari.
Et je n’en dirais pas plus.
Me voici

pixabay.com
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D’autre part le ventre peut se révéler être le signe extérieur d’une vie plus ou moins aisée. On aime porter un ventre proéminent pour se distinguer de ceux « qui n’ont que la peau sur les os. »  Ceux-ci sont soit des sidéens  soit des malnutris d’après l’imaginaire populaire.
Alors il vaut mieux porter un ventre comme ça. On est tout de suite respecté et accepté par la société.
Ne croyez pas que pareil Monsieur va se réjouir de perdre du poids. On n’est pas en Occident ici. Il paraît que là-bas la mode met à l’honneur les tailles fines. Tant pis.
Et puis on en arrive à cet homme politique d’envergure dont le fonds de commerce se résume en ceci: « Promettre toujours monts et merveilles à des gens aux abois. » Allez, on va lui consacrer tout un article qui paraîtra au courant de la semaine prochaine.


Au nom du ventre ( Partie 1)

Destination de ce que nous mangeons ou buvons, le ventre a un rôle social qu’on ne soupçonne pas. Du simple débrouillard vendeur de DVD pirates au plus important des ministres de la République, le ventre est au cœur des préoccupations. Je vais appuyer mes affirmations avec quelques faits et réalités.
Quelques bouches à nourrir

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Être vendeur de DVD pirates ou cireur de chaussures n’est pas de tout repos. Ce n’est pas non plus le premier choix de carrière d’un jeune. Il faut donc une grosse motivation de la part de celui qui en fait son gagne-pain.
Généralement cette personne-là a déjà revu ses ambitions à la baisse. Du moins pour l’instant. Ce n’est plus la gueule enfarinée qui espère relever d’énormes défis à brève échéance ( voitures, maisons, voyages…)
À la question de savoir pourquoi il fait ça, il vous donne une réponse toute faite : « J’ai des bouches à nourrir ».
Autrement dit c’est le ventre qu’on cherche à satisfaire et rien de plus.
Sachant l’énorme masse de gens qui vivent de la débrouille, on se sent interpellé : Lubumbashi, notre belle métropole, marche donc au rythme du ventre.
L’image que cela évoque

pixabay.com
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À mon avis marcher au rythme du ventre et ramper revient au même. Car pour ramper on a besoin de son ventre.
Cela évoque chez moi l’image du serpent : l’animal le plus honni et le plus craint. Qui ne chercherait pas donc un bâton pour écraser au moins la tête d’un boa ou d’une vipère?
Justement la grande majorité des débrouillards doivent faire avec les matraques des policiers chargés de réprimer les marchands ambulants. C’est sans état d’âme que bidasses et policiers de quatrième classe renversent des étales de fortune et fouettent ceux qui résistent.
Le parallèle entre le sort des serpents et le sort des débrouillards est évident. Ces derniers sont honnis parce qu’ils n’ont pas droit de cité ( comme le serpent donc.) Ils sont craints parce que leurs petites entreprises sont tellement compétitives que la concurrence ne survivrait pas. Chez un marchand ambulant, vous êtes sûr d’obtenir un rabais sur le prix d’une marchandise. Contrairement à ce que croit le commun de mortels, cette marchandise n’est pas toujours le fruit de la contrefaçon. Ne me demandez pas comment Monsieur le débrouillard s’en est procurée. Je n’ai pas les moyens de mener une enquête à ce sujet.
On se rend compte par ailleurs que d’autres catégories de personnes vivent au rythme du ventre. Mais de cela, nous allons parler dans la suite de cet article, laquelle suite paraîtra demain à cette même heure.


Ouaga doux goût

 

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CC Flickr

Comme son nom l’indique c’est un cru qui a une saveur douce. À mon avis il n’y a pas boisson plus enivrante surtout pour des amateurs longtemps sevrés par l’oppression. Ouaga, doux goût, c’est l’histoire d’un vin ayant vieilli 27 ans durant.

Je n’en reviens pas d’avoir aussi goûté à ça. Depuis ma lointaine ville de Lubumbashi je me suis abreuvé de cette curieuse boisson. Curieuse parce qu’elle rend ivre et euphorique sans jamais abrutir un peuple désireux de chasser un satrape.
Et moi qui commençais à perdre une raison de croire à un sursaut d’orgueil du peuple burkinabè! Renseigné par l’histoire, je m’apprêtais à gémir dans mon coin : « Encore un dictateur qui a réussi à berner tout le monde, la soi-disant communauté internationale y compris. »

Drapeau du Burkinafaso-wikipedia.com
Drapeau du Burkinafaso-wikipedia.com

Hommage au peuple burkinabè qui a su si bien exploiter le célèbre adage :  « Le vin est tiré il faut le boire. »
En effet il était grand temps de passer à la phase « dégustation ». Nous en étions tous friands.
Et comment? Nous étions sûrs de trouver notre compte dans ce qui allait se passer au pays de Thomas Sankara. À cet effet les points de vente, que sont Facebook et Twitter ne désemplissaient pas. Quand vînt enfin le jour « J » et l’heure « H », nous n’avons pas hésité à boire du Ouaga, doux goût à satiété.

Blaise Compaoré-wikimedia.org
Blaise Compaoré-wikimedia.org

Les effets de la boisson sur notre subconscient furent immédiats. Nous étions transportés d’une joie et d’une ivresse caractérisées tandis que Blaise Compaoré prenait fuite.
Dans cette euphorie, un médiavore lushois avait alors envoyé ce tweet :

t:

« Que l’expérience burkinabé serve de leçon aux dictateurs tropicaux. »

Voir le tweet ici

Requinqués par l’exemple burkinabè, nous sommes des centaines de millions d’Africains à dire ceci: « Dictateurs tropicaux, soyez saisis de tremblement. »

 


En apothéose

Je me rappelle avoir développé une terrible indigestion au terme de cette fameuse journée.

Il va falloir que je vous explique pourquoi.

Le copieux dîner que j’avais pris m’avait donné l’envie de bouffer tout ce qui se présentait devant moi. Je ne quittais plus le petit écran des yeux

 

Sacrée friandise

Logo des guignols de l'info
Logo des guignols de l’info

Vous avez sûrement vu ou entendu parler des fameux guignols de l’info. Je m’en suis régalé après mon dîner hollywoodien. Je ne vais pas vous raconter combien c’est exquis comme friandise. Ni pourquoi il ne  faut pas avoir les côtes trop raides de peur de subir une ou plusieurs fractures. En effet qui peut rester de marbre devant les bouffonneries du personnage de Sarkozy ou de François Hollande? Mais ne croyez pas que j’ai eu besoin d’aller sur Canal+ pour pouvoir y goûter. C’est encore une chaîne de télévision locale qui s’est permis de diffuser une œuvre protégée. Au fait les télés locales se permettent de diffuser tout sans droit et au mépris de la loi. Demander aux citoyens lambda par quel moyen il ont vu la dernière Coupe du monde de la FIFA ( Fédération internationale de football).  Presque tous vous répondront qu’ils n’ont fait que capter une chaîne de télévision locale.

Pour autant le médiavore Lushois ne se plaindrait pas. Il a bien conscience de la faiblesse de son pouvoir d’achat. Un pouvoir d’achat qui ne lui permettrait pas de s’acheter un abonnement canal+. Donc ce qui est gratuit pour lui est bon à prendre.

Un autre sandwich en prime

sandwich-wikipedia.org
Sandwich-wikipedia.org

Dans l’article précédent je vous avais fait part de ce que j’avais mangé un sandwich dans mon bureau. Pour rappel ce n’était rien d’autre qu’un message publicitaire d’un tradi-praticien capable de guérir toutes les maladies. Vous avez bien entendu: toutes les maladies. C’est à se demander quelle faculté peut former un tel médecin.

Revoici le même médecin… Que dis-je ? Le même sandwich, mais servi autrement. C’est à travers le petit écran que je vis ce génie de la médecine à l’œuvre. Le message publicitaire contenait aussi quelques témoignages de personnes qui auraient été guéries par lui. Évidemment beaucoup de téléspectateurs ont mordu à l’hameçon.

Un peu d’alcool, pour le moral

une brasserie
Une brasserie

Il y a un peu plus de 4 ans je me suis plaint du fait que des maisons de ma ville était désormais décorées aux couleurs de marque de bière. C’était sur le site des observateurs de France 24. Depuis, cette pratique n’a plus cours et les publicités pour la bière sont diffusées uniquement le soir.

Pour les médiavores lushois qui regardent la télé pendant la soirée les messages publicitaires constituent également un aliment dont ils se régalent. Ces messages sont tellement suggestifs que l’on a pas besoin de chercher un peu avant de comprendre.

À partir du moment où j’ai commencé à consommer cet aliment, j’ai perdu toute raison et toute conscience. Je vais dire que je ne me rappelle plus rien du reste. Tiens, ce n’est pas à vous que je vais apprendre l’effet de la bière sur l’esprit d’un être humain. Tout ce dont j’ai conscience est que j’ai développé une indigestion par après.

Ainsi ma journée s’était terminée en apothéose.