Guy Muyembe

Émergence 2030

Credit photo pixabay.com

Qu’est-ce qu’on nous rabâche  la fameuse histoire de l’émergence ! Il semble donc que d’ici 15 ans le Congo sera émergent.
C’est quoi donc l’émergence ? Pour mieux l’appréhender, considérons une histoire qui se passe en l’an 2030.

Lubumbashi, le 03/09/2030_ La météo nationale a annoncé le retour des premières pluies cette semaine. Les feuilles annonciatrices  viennent de se soulever de terre et la population se rend frénétiquement vers les  958  stations domestiques de gestion de l’eau qui vont être inaugurées aujourd’hui. Chaque année, le rituel est le même, les communautés de quartier creusent les bassins dans les jardins sélectionnés pendant la saison sèche. Elles y placent les briques vitrifiées qui ont été façonnées dans l’année avec la terre provenant des bassins de l’année dernière. Les plantes aquatiques pour lutter contre les moustiques et les plantes macrophages pour absorber les polluants sont prélevées dans les stations avoisinantes pour être plantées dès les premières pluies dans les nouveaux bassins. Souvent, les poissons viennent les rejoindre bien vite.

Voilà maintenant 20 ans qu’un collectif d’ingénieurs de la diaspora  s’est mobilisé pour procurer de l’eau gratuite  ; une eau provenant des pluies puis recyclée et filtrée pendant la saison sèche. Le phénomène a dépassé le contexte rural pour envahir les villes. Comme en témoigne un habitant d’un quartier  chic  : « Paradoxalement, notre quartier était parmi les plus modernes de la ville et il fait parti des derniers à être équipé. Comme on dit, les derniers seront les premiers ! ».

Les grosses gouttes ont fini par tombé. Les bassins se sont remplis en un clin d’œil. A chaque fois c’est la même émotion, les cris de joie et les chants retentissent à l’unisson. Comme on ne peut pas accueillir tout le monde dans les parcelles, des écrans géants retransmettent l’événement un peu partout dans la ville. « Les jours de pénurie, j’allais tous les jours à la pompe c’était la galère. Maintenant c’est de l’histoire ancienne l’eau tombe du ciel jusque dans mon verre … et en plus elle est bonne » raconte une dame .  L’eau commence à sortir des filtres  céramiques pour le ravissement des propriétaires et de leur voisinage qui se bousculent pour s’en procurer un gobelet.Ce sera la fête jusqu’au bout de la nuit.

Comme dirait l’autre : »l’émergence c’est déjà aujourd’hui « .

PS: article coecrit avec Alexandra Mbaye,une compatriote de la diaspora.


Vive les petits agriculteurs

        Le gombo: crédit photo Guy Muyembe

Depuis une décennie, les institutions financières d’aide au développement semblent avoir compris la nécessité de changer de politique. En matière agricole, elles ne réservent plus leurs aides uniquement aux exploitations de grande taille disposant de moyens techniques plus ou moins importants. La tribune du président de la BAD(Banque africaine de développement) parue sur le site foreign affairs s’inscrit dans ce cadre. De cette tribune du nigerian Akin Adesina j’ai retenu ce qui suit :
-le travail des petits agriculteurs est créatrice de centaines de milliers d’emplois dans chaque pays africain. Contrairement aux grandes exploitations où les moyens techniques tendent à détruire les emplois au fil du temps. D’où on peut légitimement affirmer que cette agriculture,qu’on qualifiait autrefois d’agriculture traditionnelle ou d’agriculture de subsistance, est le plus gros employeur du continent.

-le secteur privé doit désormais être impliqué dans le financement et la fourniture d’intrants. Ce rôle ne doit plus revenir aux seuls gouvernements. Il a été constaté par exemple qu’au Nigeria les aides gouvernementales bénéficiaient finalement assez peu aux petits agriculteurs. En cause il y a la corruption, les détournements et le manque d’efficacité.

-le boom des télécommunications doit être mis à profit pour connecter et faire interagir les différents intervenants du secteur agricole.

Toutes fois le point de vue de Akin Adesina, cet ancien ministre de l’agriculture de son pays, s’inspire visiblement de l’idéologie ultra libérale. C’est inquiétant car les acteurs du monde agricole, dont il est question, n’en sont pas encore au point où ils doivent répondre à une seule logique : la logique du marché.
Le marché impose de ne produire que ce qui a une grande valeur marchande. N’a-t-on pas vu des planteurs de manioc s’adonner à la culture des produits de rente(cacao,café,…) uniquement par recherche du profit ? Il va sans dire que nombre des contrées ont été confrontées à l’insécurité alimentaire à cause de ça.
Par ailleurs, je crains que derrière cette volonté d’impliquer le secteur privé il se cache l’idée d’écarter l’État et toute forme de régulation par voie de conséquence. Certes l’agriculture est une activité économique parmi tant d’autres. Mais à la différence de la finance ou de l’extraction minière, elle a besoin d’être protégée des méfaits de la mondialisation. D’où l’importance de la régulation.
Vive donc les petits agriculteurs. Ceux-là qui ont permis au Nigeria d’être aujourd’hui la première puissance économique africaine devant le pays de Mandela. (1)

(1): d’après les statistiques économiques, la part de l’agriculture dans le PIB nigérian dépasse celle du pétrole.


Sombé: le légume préféré des lushois

feuilles de manioc: crédit photo Guy Muyembe

Dans la famille des aliments préférés des lushois j’appelle « Sombé » alias feuilles de manioc.
Ah ! Te voici donc !
Ô plante à tubercules ! Tu as une place à part dans notre alimentation. Autant on se régale de tes feuilles autant on aime le manioc.
C’est un moment particulier de la journée. Celui où le panier de la ménagère atterrit sur la table de cuisine chargé de bottes de sombé dégoulinant d’eau. La vendeuse du marché Zambia(1) à dû précautionneusement verser de l’eau dessus. De peur que le Soleil n’en fasse son affaire.
Pourtant aucun écolier n’aime voir sa maman éplucher le Sombé alors que lui revient du bahut. Car cela veut dire qu’il ne va pas pouvoir manger son Bukari de sitôt.
Qu’est-ce que c’est rageant !
Toute bonne ménagère vous dira qu’il faut au minimum 1heure entre le moment d’éplucher le sombé et le moment où il est servi.
Décidément notre petit écolier préfère être servi dès qu’il arrive sur le seuil.
Outre l’épluchage, le sombé demande à être rincé à l’eau chaude puis à être pilé. C’est avec amour que la maîtresse de maison réalise une à une ces étapes pour le bonheur des siens.

(1): plus important marché à légumes de Lubumbashi.

PS: les feuilles de manioc sont appelées différemment selon les régions de la R.D.Congo. On appelle cela Sombé à Lubumbashi, Pondu à Kinshasa et Kaleji au Kasaï.


Signé Renaudossavi

C’est un livre dont j’ai pris du plaisir à lire au cours de mes vacances de fin d’année. Ce recueil de poèmes publié par l’ami Renaud Ayi Dossavi est tout en saveur.
Rosées lointaines reflète assez bien la nature du jeune homme que j’ai la chance de côtoyer à Dakar au mois de Décembre 2015: large ouverture d’esprit, modération du discours, amabilité et bonne humeur.

Personnellement je n’ai jamais été un grand lecteur de la poésie. C’est un genre qui m’a toujours semblé impénétrable aux non initiés, au-delà de la beauté des vers. Connaissant la plume raffinée de l’auteur, je me suis lancé le défi de découvrir ce qu’il aurait pu dire en dehors de ses billets de blog.
J’ai noté que Rosées lointaines est une oeuvre en 3 actes.

Acte 1: idéaux et combats de l’auteur

Renaud Ayi Dossavi rêve d’une renaissance africaine. Raison pour laquelle il écrit :

L’ambition est là
D’écrire en lettres d’or et d’argile
Les prémices d’un continent-phenix
Qui, les dieux le bénissent,
Vers la gloire tendra à nouveau ses mains graciles.

Avec le dessein de concilier rêve et dure réalité :

Laisse le fantasme l’emporter sur le réel
Et le rêve l’emporter sur le quotidien
Pour l’enfanter à nouveau.

Acte 2: ode à la beauté de dame la poésie
La poésie, c’est cette âme pétillante à laquelle Renaud voue un culte :

La poésie
Air qui coule
Phrase qui tombe et qui croule
Sous le poids
de sa propre beauté
et fait un
« plouf !!!  »
Léger comme le soupir, retentissant comme le tonnerre
Dans le coeur de l’homme et au creux de ses nerfs.

Quoi que sa fidélité vis-à-vis de cette dame est sujet à caution. Et c’est le moins qu’on puisse dire:

Par une langue menteuse, capricieuse et Oh combien vicieuse,
« Je ne suis qu’un homme »… me dis-je face à l’impétueuse poésie à peine séduite
Alors que je songe déjà à la cocufier, une fois de trop,
avec une autre plus précieuse
Sur le moment…  Et j’en séduirai encore, et encore,
jusqu’à assouvir ma soif fortuite.

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Dédicace du livre par son auteur

Acte 3: partager entre ravissement, désespoir et courage
Lucide,  Renaud Ayi Dossavi pose un regard affligé sur le sort de son peuple.

Mon pays boit son sang
Quand la résolution Humanitaire
Lui lacère le ventre
Et épanche ses fils morts sur son torse.

Il ne manque pas d’affirmer son intérêt pour la vie. La vie qu’il aimerait croquer à pleines dents. La perspective de se trouver en ébriété ne l’effraie pas:

Donne-moi la main, ma fleur d’un soir
Ma rosée de mille et une nuits
Je te boirai jusqu’à l’ivresse.

Enfin c’est avec entrain qu’il prend part au combat pour l’émergence du continent « berceau de l’humanité »:

Donnez-moi des palettes et des pinceaux
Des lotus, des maïs et des paysans
Des feuilles de gombo et des liasses de dollars
Pour dessiner un Afrique qui sourit, qui me tend la main.

Que dire de plus si ce n’est inviter  mes lecteurs à se procurer Rosées lointaines pour pouvoir savourer la délicatesse des mots ordonnancés en strophes.

Référence: Ayi Renaud Dossavi-Alipoeh
Rosées lointaines
Éditions Awoudy
BP 14524 Lomé-Togo
Juillet 2015
Retrouvez Renaud sur son blog: https://renaudossavi.mondoblog.org


Un mondoblogueur, un article( troisième partie)

Ce 27 Novembre 2015,je venais de poser mes bagages à l’espace Thially( un auberge de Dakar) quand surgit devant moi un gars dont le look evoque une star du RNB. Il était souriant. Ce qui contribua aussitôt à briser la glace entre nous.
-Tu me reconnais ? M’interrogea-t-il.
Et alors que je commençais à balbutier, incapable de faire le rapprochement avec le type dont j’ai toujours vu les photos sur les réseaux sociaux, il me révéla son identité: « je suis Alain Amrah Horuntanga,  le burundais.  »
Aussitôt j’allais le serrer dans mes bras.
Depuis lors on ne se quittait que le temps d’aller se coucher. En effet Alain a été la personne avec laquelle j’ai passé le plus de temps à Dakar. C’est en sa compagnie que j’ai appris à apprécier la douceur des nuits dakaroises. Au fil des conversations on commençait à se confier certaines histoires tout à fait personnel. Et naturellement il nous a été confié par les organisateurs de la formation mondoblog la charge de veiller l’un sur l’autre( c’est ce qu’on a appelé former un binôme).
J’ai connu le Alain Amrah Horutanga  jovial et amoureux de la vie. C’est le gars avec lequel vous aimeriez sûrement passer vos vacances.

J’ai aussi connu le Alain Amrah Horutanga solidaire qui partageait souvent sa connexion internet mobile avec moi et qui m’a secouru financièrement alors que j’avais des billets verts( le Dollars Américains) dans la poche dans un pays où on n’utilise que le Franc CFA.

Sans oublier le Alain Amrah Horutanga imperturbable devant les épreuves. Vous aurez du mal à le croire s’il vous disait qu’il passe le plus clair de son temps dans le fameux quartier de Musaga à Bujumbura. Là où la police tire tous les jours sur des jeunes gens au motif qu’ils préparent une insurrection.
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Moi et Alain lors de la soirée d’au revoir

C’est au sujet de son article « là où le père Noël ne passera pas » que j’ai tenu à l’interroger. Dans cet article publié au courant de la période des fêtes de fin d’année en 2014, il a invité ses lecteurs à avoir une pensée pour tous ceux-là qui n’avaient aucune raison de fêter à l’instar des enfants de Béni,  en R.D.Congo. Un véritable plaidoyer pour la paix.

Moi: est-ce qu’en rédigeant cet article tu versait des larmes ?
Alain: oui. D’ailleurs il arrive souvent que j’aie plus  d’inspiration durant les moments de tristesse.

Moi: où étais-tu au moment où il t’es venu à l’idée de mettre par écrit pareil cri du coeur ?
Alain: j’étais chez moi à la maison.

Moi: tes pensées étaient plutôt dirigées vers tes compatriotes ou vers les peuples d’autres pays.
Alain: je pensais à tous les enfants et particulièrement ceux du camp des réfugiés de Mubunga à l’Est du Congo.

Moi: est-ce ,de ton point de vue,le meilleur article que tu aies jamais rédigé ?
Alain: je ne le pense pas.

Moi: t’arrives-t-il de te dévoiler dans tes écrits ?
Alain: oui. Cela m’arrange bien de ne pas cacher ma vraie personnalité à mes lecteurs.